Introduction : Une consolidation des pratiques juridiques

Dans un Arrêt récent, référencé sous le numéro 4A_50/2023, le Tribunal fédéral s’est intéressé à deux questions juridiques majeures : le devoir de fidélité et la nature juridique du certificat de travail.

L’analyse portait spécifiquement sur la situation d’une employée ayant fait signer son certificat de travail par une tierce personne, en l’occurrence le gérant du magasin où elle était employée, afin de déterminer si cet acte constituait un motif légitime de licenciement immédiat en vertu de l’article 337 alinéa 2 du Code des obligations (CO).

Par la suite, le Tribunal fédéral a examiné le contenu du certificat de travail, en évaluant les exigences formelles et substantielles de sa rédaction.

Cet arrêt est intéressant car il joue le rôle de rappel sur le contenu de la jurisprudence dans ce domaine, tout en précisant le point de vue de notre Haute Cour dans un cas dont les faits peuvent paraître atypiques.

Le Contexte de l'Affaire et et Procédure : Fidélité et Confiance en Débat

Au cœur de cette affaire se trouve un litige entre une employée, désignée ici comme la demanderesse, et son employeur, une société dont l’administration est dirigée par un unique administrateur. L’affaire s’articule autour de la rupture abrupte de la relation de travail, d’un certificat de travail controversé, et des procédures judiciaires qui ont suivi. Ce résumé vise à éclairer les circonstances ayant conduit au contentieux ainsi que le parcours procédural qui s’est déroulé jusqu’au Tribunal fédéral.

En juillet 2014, la demanderesse débute son parcours au sein de D.________ SA en tant que secrétaire/support de vente, avec un taux d’activité de 60%. Après une brève interruption en mars 2017, elle est réengagée en mai 2017 par la même société, cette fois avec un taux d’activité augmenté à 80%. En janvier 2019, elle poursuit son emploi sous l’égide d’une nouvelle entité, A.________ Sàrl, dirigée par le même administrateur, E.________, avec des conditions similaires à son engagement précédent. Durant cette période, la relation professionnelle entre la demanderesse et l’employeur semble se dérouler sans heurts majeurs, aucun avertissement n’étant émis à l’encontre de la demanderesse.

La situation bascule en janvier 2020, lorsqu’un changement de lieu de travail est envisagé, passant de U.________ à Y.. La demanderesse, réticente à ce changement, demande la délivrance d’un certificat de travail intermédiaire. Elle s’entend avec E. pour rédiger elle-même un projet de certificat à soumettre pour signature. Cependant, face à l’absence de réaction de E.________ après la soumission du projet, elle s’adresse à G., responsable du magasin U., qui signe le certificat bien qu’il n’ait pas l’autorité officielle pour le faire. L’existence de ce certificat signé par G.________ est découverte par hasard par E.________ en mars 2020.

Le 18 mars 2020, la découverte de ce certificat conduit E.________ à licencier immédiatement la demanderesse par courrier recommandé, invoquant un faux dans les titres et une rupture du lien de confiance. La même sanction est appliquée à G.. La demanderesse conteste son licenciement par plusieurs moyens de communication, mais ne parvient pas à rétablir le dialogue avec E..

Refusant de rester les bras croisés, la demanderesse engage une procédure en conciliation en mars 2020, sans parvenir à un accord, ce qui l’amène à formuler une demande officielle en septembre de la même année. Elle réclame la reconnaissance de l’injustification de son licenciement, des indemnités salariales pour les mois de mars à mai 2020, ainsi qu’une indemnité pour licenciement immédiat sans justes motifs. En outre, elle exige la délivrance d’un certificat de travail conforme à un modèle qu’elle a elle-même proposé.

Le Tribunal de prud’hommes, statuant en première instance, accède à ses demandes, infligeant à l’employeur le paiement des indemnités réclamées et la délivrance du certificat de travail demandé. Cette décision est confirmée en appel par la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud en décembre 2022, malgré les arguments de l’employeur contestataire.

Insatisfait, l’employeur porte l’affaire devant le Tribunal fédéral, arguant d’une violation des articles pertinents du Code des Obligations régissant le licenciement immédiat pour justes motifs et la délivrance d’un certificat de travail.

Licenciement Immédiat : Un Cadre Strictement Encadré

Dans l’examen du licenciement immédiat contesté par l’employeuse, le Tribunal fédéral a minutieusement analysé le cadre légal et jurisprudentiel encadrant cette mesure exceptionnelle. Le licenciement immédiat, régi par l’article 337 CO, requiert la présence de « justes motifs », une notion que le Tribunal fédéral a interprété en s’appuyant sur une jurisprudence bien établie.

Selon la lettre de l’article 337 al. 1 CO, un employeur peut résilier le contrat de travail sans préavis en présence de justes motifs, c’est-à-dire des circonstances qui, selon les principes de la bonne foi, ne permettent pas de continuer la relation de travail. La jurisprudence a toujours souligné que cette disposition devait être interprétée de manière restrictive, considérant la résiliation immédiate comme une mesure de dernier recours (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; ATF 142 III 579 consid. 4.2). Cela signifie qu’un manquement grave et objectivement susceptible de détruire ou d’affecter profondément la confiance, essentielle à la relation de travail, est requis pour justifier une telle mesure.

Le Tribunal a précisé que le manquement doit être suffisamment sérieux pour justifier une rupture immédiate des liens de travail. De plus, il doit effectivement entraîner une telle perte de confiance, et non se baser sur des suppositions ou des hypothèses non confirmées. Si le manquement est moins grave, un licenciement immédiat n’est envisageable que s’il a été répété malgré un avertissement préalable (ATF 142 III 579 consid. 4.2; ATF 130 III 213 consid. 3.1).

En l’espèce, le Tribunal fédéral a examiné le comportement de la travailleuse, notamment son initiative de faire signer un certificat de travail intermédiaire par un tiers non autorisé, sans avoir obtenu au préalable la signature de son employeur. Bien que reconnaissant un manquement aux obligations de la travailleuse, le Tribunal a jugé ce manquement insuffisant pour justifier un licenciement immédiat. Il a souligné l’importance de la bonne foi et de la nécessité pour l’employeur d’examiner toutes les circonstances avant de prendre une décision aussi radicale que la résiliation immédiate du contrat.

Le Tribunal a mis en avant que les relations professionnelles entre l’employeuse et la travailleuse étaient jusqu’alors sans reproches significatifs, et qu’aucun avertissement préalable n’avait été émis à l’encontre de la travailleuse. Ces éléments, associés à l’absence d’intention malveillante de la part de la travailleuse et à l’existence de certains malentendus concernant la procédure de signature du certificat, ont conduit le Tribunal à conclure que la confiance entre les parties n’était pas irrémédiablement rompue.

Le Droit au Certificat de Travail : Précision et Équité

L’analyse du Tribunal fédéral relative à la délivrance du certificat de travail s’ancre dans une compréhension nuancée des obligations de l’employeur vis-à-vis de l’employé, telles qu’articulées dans le cadre de l’article 330a CO. Ce cadre juridique, équilibrant précision et équité, requiert que le certificat de travail soit à la fois complet et fidèle, reflétant sans parti pris la nature, la durée des rapports de travail, ainsi que la qualité de la prestation de l’employé et sa conduite.

Dans le contexte de l’affaire en question, le Tribunal a dû examiner la contestation par l’employeur du contenu du certificat de travail souhaité par l’employée, cette dernière ayant avancé un modèle spécifique pour son évaluation. Face à cette demande, l’employeur rétorque que les circonstances du licenciement immédiat devraient influer sur la rédaction du certificat, questionnant ainsi l’appréciation positive de l’employée.

Pour trancher, le Tribunal fédéral s’est appuyé sur une interprétation stricte de l’article 330a CO, tout en considérant la richesse de la jurisprudence et des doctrines pertinentes. La distinction entre l’action en délivrance et celle en rectification du certificat de travail est essentielle, comme souligné par la doctrine (voir par exemple, Aubert, in Commentaire du contrat de travail, n° 47 ad art. 330a CO), qui clarifie le droit du travailleur de recevoir un certificat juste et complet, indépendamment de l’action choisie.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 129 III 177 consid. 3.3), bien que le choix des termes spécifiques appartienne en première instance à l’employeur, celui-ci doit exercer cette prérogative en respectant les principes de bonne foi et d’objectivité, en évitant toute formulation susceptible de nuire à l’employé dans sa future carrière professionnelle. Le Tribunal a rappelé l’importance de ce principe d’équité et de la nécessité pour le certificat d’être non seulement véridique mais aussi proportionné, tenant compte de toutes les circonstances de l’emploi, incluant la qualité de la prestation et le comportement de l’employé.

Dans l’affaire examinée, le Tribunal a jugé que la formulation proposée par l’employée, notamment concernant l’exécution de son travail « à la pleine et entière satisfaction » de l’employeur, ne constituait ni une exagération, ni une inexactitude. Cette conclusion repose sur l’absence de preuve d’un manquement professionnel grave ou de comportement inapproprié justifiant une appréciation négative dans le certificat (voir ATF 144 II 345 consid. 5.2.1 pour le principe de complétude et d’exactitude).

En synthèse, le Tribunal fédéral réaffirme par sa décision le droit inaliénable de l’employé à un certificat de travail équitable, précis et objectif, soulignant le devoir de l’employeur de respecter ces principes lors de la rédaction de ce document crucial pour la carrière future de l’employé.

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