Une grande partie des infractions relevant de la criminalité économique sont le fruit de faux matériels ou de faux intellectuel. Ces notions demeurent toutefois imprécises malgré de nombreux développements de la jurisprudence et de la doctrine.
Pour lutter contre la criminalité économique, il est essentiel de bien cerner la notion de faux matériels et intellectuels.
1) Le faux dans les titres
A teneur de l’article 251 du code pénale : « celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tier un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. »
Derrière cette formulation barbare et peu compréhensible pour le commun des mortels, se cache la distinction entre la falsification d’un document (faux matériel) et l’établissement d’un écrit constatant un fait faux (faut intellectuel).
2) Le faux matériel dans les titres
Il existe trois variantes de faux matériel dans les titres :
a. La création d’un titre faux ;
b. La falsification d’un titre ;
c. L’abus de blanc-seing.
Les deux premières variantes sont des faux dans les titres au sens étroit.
Pour chacune de ces trois variantes, l’auteur véritable du titre ne correspond pas à l’auteur apparent. Autrement dit, le faussaire crée un titre qui trompe sur l’identité de celui dont il émane (ATF 132 IV 57).
a. La création d’un titre faux
Concrètement, il y a création d’un titre matériellement faux lorsque l’auteur fabrique un titre dont l’auteur réel ne coïncide pas avec l’auteur apparent (ATF 132 IV 57).
Pour que l’infraction soit réalisée, il suffit que l’auteur signe, en toute connaissance de cause, un écrit ayant une valeur probante.
Relevons que pour que l’infraction soit réalisée, une signature n’est pas toujours nécessaire.
Relevons également qu’il n’y a pas de création d’un titre faux lorsque l’auteur signe du nom d’un tiers avec l’accord de ce dernier.
Quelques exemples :
- Le fait de mentionner son propre nom sur un chèque dans le but de faire croire qu’il émane d’un homonyme ;
- Le fait pour un débiteur de faire signer une reconnaissance de dette sous un faux nom ;
- Le fait d’utiliser sans droit la signature électronique d’un tiers ;
- Le fait d’apposer une fasse signature sur une œuvre d’art.
- Etc.
En revanche, il n’y a pas création d’un titre faux dans les cas suivants :
- Le fait de signer au nom d’un tiers avec le consentement de cette personne ;
- La création de factures et de lettres commerciales fictives, au nom d’une autre entreprise mais avec l’accord de celle-ci.
b. Falsification d’un titre
Il y a falsification d’un titre lorsque l’auteur modifie le contenu d’un titre « vrai », peu importe le contenu du titre. Il suffit que le contenu du titre « original » soit modifié par l’auteur.
Par exemple, l’auteur peut modifier la date, un nom ou un chiffre du titre.
Cela étant, pour que l’infraction soit donnée, il faut que la modification revête une certaine importance.
Bien entendu, il faut également que le titre soit modifié par une personne tierce et non par l’auteur original faute de quoi, le titre resterait authentique.
C’est le cas par exemple lorsque l’auteur du faux matériel dans les titres présente à sa régie une fausse fiche de salaire dans le but d’obtenir un appartement.
La falsification est également donnée à l’encontre de celui qui remplace la photo figurant sur un passeport par une autre photo ou à l’encontre de celui qui ajoute un élément sur un certificat médical ou envers celui qui antidate des factures et des lettres commerciales.
En revanche, ne sont pas considérés comme des falsifications de titre :
- La modification d’un titre lorsque le sens de la déclaration qu’il contient demeure inchangée, par exemple, lorsqu’il s’agit que d’une correction orthographique[1].
c. L’abus de blanc-seing
Le faux dans les titres est ici commis par usurpation d’identité. L’auteur en possession de la signature réelle d’autrui, l’utilise pour fabriquer un titre. Nous sommes alors en présence d’un document qui ne correspond pas à la volonté réelle du signataire puisqu’il n’a pas été rédigé par celui-ci et qu’il en ignore même le contenu. Il ne s’agit en réalité pas d’un titre authentique.
Mais dans l’hypothèse où le contenu du document en question est indifférent pour la personne qui a apposé sa signature, il ne peut y avoir abus de blanc-seing.
Il y a abus de blanc-seing lorsque que l’auteur de l’acte ajoute une phrase dans un document pré-rempli et signé par autrui.
3) Le faux intellectuel dans les titres
L’auteur qui aura constaté ou fait constater faussement un fait ayant une portée juridique dans le dessein de porter atteinte aux intérêt pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite commet un faux intellectuel[2].
Le faux intellectuel se rapport à l’établissement d’un titre authentique, mais mensonger du fait que le contenu réel et le contenu figurant dans le titre ne concordent pas[3]. Le législateur a ici souhaité protéger la véracité de la déclaration contenue dans le titre. Un titre est faux lorsque les faits sur lesquels il s’exprime ne se sont pas produits ou se sont produits d’une autre façon[4].
Par exemple, un document dont tous les éléments sont exacts mais qui omet certains éléments de fait et ne retranscrit ainsi pas tout ce qui s’est réellement passé constitue déjà un faux intellectuel[5].
Il convient cependant de distinguer le faux intellectuel dans le titre du simple mensonge écrit. Le simple mensonge écrit n’est pas répréhensible, contrairement au faux intellectuel. Il est en effet nécessaire que le mensonge soit punissable comme faux intellectuel, que le document ait une valeur probante plus grande que dans l’hypothèse d’un faux matériel et le dentinaire doit ainsi pouvoir s’y fier raisonnablement[6]. Le caractère probant accru peut notamment découler d’usages commerciaux, tel que la comptabilité commerciale et ses composantes[7].
Par exemple, constituent des titres dotés d’une valeur probante accrue :
- Un certificat médical ;
- Une ordonnance établie par un médecin ;
- Un contrat ;
- Une facture ;
- Une procuration ;
- Un procès-verbal d’assemblée générale ;
En revanche, ne peuvent pas faire l’objet d’un faux intellectuel dans les titres :
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[1] BSK Strafrecht II-Boog, N48 ad art. 251 CP
[2] BSK Strafrecht II-Boog, N61 ad art. 251 CP
[3] Corboz II, N80 ad art. 251 CP
[4] ATF 129 IV 130
[5] ATF 131 IV 125
[6] BSK Strafrecht II-Boog, N66 ad art. 251 CP
[7] ATF 115 IV 225
[8] ATF 125 IV 17
[9] ATF 131 IV 125