Introduction : Un litige fiscal intéressant pour les propriétaires suisses

Dans l’arrêt récemment prononcé par le Tribunal fédéral, sous le numéro 9C_218/2023, un litige fiscal oppose un propriétaire de « box-garages » au fisc valaisan. La question centrale est de savoir si le propriétaire peut bénéficier d’une déduction forfaitaire pour les frais d’entretien de ces garages, une demande initialement refusée par la Commission de recours du Valais. Cette situation soulève des questions sur l’interprétation de l’article 32 de la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD), qui autorise normalement cette déduction pour les biens immobiliers privés, à condition qu’ils soient principalement destinés à l’habitation.

Cet arrêt du Tribunal fédéral revêt une importance significative dans le domaine de l’impôt sur le revenu immobilier en Suisse. Il interroge les critères d’éligibilité à certaines déductions fiscales pour les propriétaires immobiliers et clarifie la distinction entre l’usage « privé » et « commercial » des biens immobiliers en ce qui concerne les déductions forfaitaires. Cette décision pourrait modifier le traitement fiscal des propriétés immobilières, proposant une interprétation plus nuancée de la loi susceptible d’impacter de nombreux contribuables, qui, en raison de pratiques cantonales erronées des administrations fiscales, se voyaient empêchés d’opter pour des déductions forfaitaires. Par cet arrêt, le Tribunal fédéral influence les pratiques fiscales relatives à l’imposition des revenus immobiliers. On peut toutefois espérer que cette avancée timide dans la bonne direction soit le prélude à un revirement jurisprudentiel qui permettrait de mieux refléter les réalités d’un monde immobilier en changement avec notamment la démocratisation du télétravail et de l’usage de plateforme du type Airbnb.

Contexte juridique et législatif

L’article 32 LIFD  établit les normes gouvernant la déduction des frais liés à l’entretien des propriétés privées au niveau de l’impôt fédéral. Dans ce cadre, il joue un rôle central en fiscalité immobilière. Selon cet article, les contribuables sont autorisés à déduire de leur revenu imposable les frais nécessaires au maintien de la valeur de leurs biens immobiliers, incluant les coûts de réparation et d’entretien ainsi que les primes d’assurance et certains frais administratifs. L’alinéa 4 offre la possibilité de substituer ces déductions réelles par une déduction forfaitaire déterminée par le Conseil fédéral, simplifiant la démarche administrative.

Cette distinction entre les biens à usage résidentiel et commercial conditionne l’éligibilité aux déductions forfaitaires pour frais d’entretien. La jurisprudence a jusqu’à présent précisé que les biens immobiliers détenus dans la fortune privée et qui sont utilisés principalement à des fins commerciales par des tiers ne sont pas éligibles à cette déduction forfaitaire (arrêts 2C_996/2012 du 19 avril 2013 consid. 7.4.2; 2A.56/1998 du 1 er novembre 1999 consid. 2d).

L’arrêt 9C_218/2023 du Tribunal fédéral examine l’application de l’article 32 LIFD aux « box-garages », clarifiant leur statut et contribuant à une meilleure compréhension des règles fiscales en la matière.

Analyse du litige: Décryptage d'un désaccord fiscal

Le centre de ce litige vous l’aurez compris traite d’un désaccord entre un propriétaire de « box-garages » et le fisc valaisan concernant l’éligibilité de ces garages à une déduction forfaitaire pour frais d’entretien au regard de l’article 32 LIFD. Ce désaccord tourne autour de la qualification des « box-garages » : sont-ils considérés comme des biens utilisés « principalement à des fins privées » ou bien comme des biens à « utilisation principalement à des fins commerciales »?

La position de la Commission de recours s’appuyait sur une interprétation stricte de l’article 32 LIFD, selon laquelle les déductions forfaitaires pour frais d’entretien sont réservées aux biens immobiliers utilisés principalement pour l’habitation. Par conséquent, les « box-garages », ne servant pas à l’habitation mais plutôt à des fins de stationnement ou de stockage, elles ne rentrent pas dans cette catégorie et donc ne peuvent pas bénéficier de cette déduction forfaitaire. La Commission a ainsi catégorisé ces garages comme ayant une « utilisation principalement à des fins commerciales », en raison de leur location à des tiers, indépendamment de l’usage réel fait par ces derniers.

Cette analyse soulevait un point de friction important : l’évaluation de ce qui constitue une « utilisation principalement à des fins privées » par rapport à une « utilisation principalement à des fins commerciales ». Le propriétaire contestait la décision de la Commission, arguant que les « box-garages » loués à des individus pour des usages personnels non commerciaux (comme le stockage de biens personnels ou le stationnement de véhicules privés) devraient être considérés comme des biens utilisés à des fins privées, et donc éligibles à la déduction forfaitaire.

L’argument central du propriétaire résidait dans l’interprétation flexible de l’usage « privé » des biens immobiliers, qui devrait, selon lui, englober toute location ne servant pas explicitement à des activités commerciales ou professionnelles, même si les biens en question ne sont pas des résidences. Cette approche cherchait à aligner la pratique fiscale avec l’esprit de simplification administrative et de la justice fiscale promue par la législation, en reconnaissant la diversité des usages immobiliers modernes.

En somme, l’analyse du litige révèle une tension entre une application rigide des critères fiscaux et la nécessité d’adapter ces critères aux réalités variées de l’utilisation des biens immobiliers. La décision du Tribunal fédéral de remettre en question l’interprétation de la Commission de recours et d’appeler à un examen plus nuancé de l’usage des « box-garages » représente une étape vers une application plus équitable et pragmatique de la loi fiscale.

Argumentation du Tribunal fédéral: Clarifications Importante sur les déductions forfaitaires

Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a examiné l’interprétation de la Commission de recours du Valais concernant la déduction forfaitaire pour l’entretien des « box-garages ». Notre Haute Cour a mis en évidence deux principaux problèmes dans cette interprétation, apportant ainsi une clarification essentielle sur l’application de l’article 32 LIFD.

Le premier point abordé concerne l’objectif de simplifier les démarches administratives pour les contribuables et l’administration fiscale, un but clairement visé par le législateur dans la rédaction de l’article 32 LIFD. Le Tribunal a justement critiqué la Commission pour ne pas avoir pleinement adhéré à cet objectif législatif, restreignant inutilement l’accès à cette simplification. Cette démarche a inutilement compliqué le traitement fiscal des biens immobiliers sans préserver l’équité du système, et ce, sans justification légitime.

Le second aspect clarifié par le Tribunal fédéral concerne les critères d’éligibilité à la déduction forfaitaire pour les « box-garages ». Contredisant l’interprétation restrictive de la Commission, Notre Haute Cour a statué que les « box-garages » loués à des fins privées par des locataires non commerciaux devraient bénéficier de la déduction. Cette décision ouvre l’accès à la déduction forfaitaire, prescrivant qu’elle devrait être disponible tant pour les propriétés résidentielles que pour celles utilisées comme garages privés. Le Tribunal fédéral insiste dans son résonnement sur le fait que ces derniers devraient être traités de la même manière en termes de déduction forfaitaire que les propriétés résidentielles, à l’opposé des biens principalement destinés à un usage commercial, où les frais d’entretien sont, selon notre Haute Cour, généralement à la charge des locataires.

En réaffirmant l’objectif de simplification de l’article 32 LIFD et en précisant clairement ses conditions d’application, le Tribunal fédéral a aligné la pratique fiscale avec les réalités contemporaines du domaine de l’immobilier.

Conséquences et évolution: Impact de l'arrêt sur l'imposition immobilière

Cette décision constitue une avancée pour une multitude de propriétaires. Ils auront dorénavant le choix  à tout le moins dans le cadre de l’impôt fédéral directe de bénéficier d’une déduction forfaitaire de 10 % sur les « box-garages » qui ne sont pas affectés à une activité commerciale et qui font partie de , leur fortune privée.

Pour les services fiscaux, cet arrêt met en lumière la nécessité d’appliquer les lois de manière à respecter l’intention originelle du législateur, tout en considérant les spécificités du marché immobilier. Cela pourrait conduire, nous l’espérons, à des révisions des méthodes d’évaluation et de contrôle des déclarations d’impôts, en particulier pour les biens non résidentiels utilisés à des fins privées.

À long terme, cet arrêt pourrait marquer un premier pas timide vers revirement de la jurisprudence en matière d’imputation de déductions forfaitaires. En effet, on peut légitimement espérer que cette approche pragmatique, alignée sur les pratiques immobilières actuelles, sera adoptée de manière unifiée au niveau cantonal et s’étendra à tous les biens immobiliers détenus dans la fortune privée. Les évolutions telles que le télétravail rendent obsolète la distinction traditionnelle entre les usages privé et professionnel des immeubles qui se base sur une jurisprudence désormais inadéquate. Il semble en effet inapproprié qu’un propriétaire puisse hypothétiquement être victime d’une reprise fiscale en raison de l’utilisation de son bien par ses locataires qui, malheureusement bien souvent, peut se faire sans son consentement.

De plus, il convient de noter que dans de nombreux baux commerciaux, les frais d’entretien ne relèvent pas de la responsabilité du locataire, remettant ainsi en question la pertinence d’une distinction fondée sur l’utilisation du bien.

Dans cet esprit, nous espérons que notre Haute Cour favorisera l’extension de la déduction forfaitaire à tous les biens immobiliers détenus dans la fortune privée, répondant ainsi à l’objectif de simplification recherché par le législateur et ajustant la jurisprudence aux réalités contemporaines.

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