Introduction au Certificat de Travail en Suisse
Le certificat de travail suisse est un document attestant de l’existence d’une relation professionnelle liant ou ayant lié un employeur et un employé. Il s’agit d’un document produit par l’employeur et dans son contenu, il doit contenir la durée de la relation ainsi que la nature des responsabilités et des tâches accomplies par l’employé. Sauf cas particulier du certificat à contenu réduit, il inclut une évaluation de la performance et du comportement de l’employé.
Ce document a pour but d’informer un futur employeur sur l’employé en se fondant sur l’expérience et l’opinion des précédents employeurs. Bref, il s’agit d’un document important pour l’employé. En effet, un certificat défavorable a des conséquences lourdes sur la recherche d’emploi et donc le futur économique de l’employé. Dans ce cas, l’employé se trouve face à un dilemme : fournir un mauvais certificat au risque de réduire l’intérêt du futur employeur ou ne pas le produire ce qui n’est pas mieux, car cela nécessitera des explications qui devront être fournies à un potentiel futur employeur et susciter des doutes.
Cadre Légal du Certificat de Travail en Suisse
Le certificat de travail est encadré par l’article 330a, alinéa 1 du Code des Obligations (CO), qui prescrit que l’employé peut à tout moment demander à son employeur un document attestant la nature et la durée de leur relation de travail, ainsi que la qualité de son travail et de sa conduite. Sur demande de l’employé, ce certificat peut se limiter à indiquer uniquement la nature et la durée des rapports de travail.
Cette disposition vise avant tout à protéger l’employé, en s’assurant que le certificat contribue à préserver sa réputation professionnelle et à faciliter son avenir économique. En cela, elle découle également de l’obligation de protection prévue à l’article 328 CO.
L’article 330a CO est considéré comme relativement impératif, selon l’article 362 CO, ce qui signifie que les parties ne peuvent y déroger qu’en faveur du travailleur. [1]
En d’autres termes, l’employé ne peut pas renoncer à son droit d’obtenir un certificat ou une attestation de travail, et il n’est pas permis de restreindre les informations qui figurent dans ceux-ci. Cependant, les parties peuvent décider d’organiser la remise automatique de ce document à intervalles réguliers, par exemple tous les ans, ou lors d’événements particuliers, comme un changement de poste. Il s’agit là d’une dérogation qui est à l’avantage de l’employé et qui est donc légale. [2]
Contenu Obligatoire du Certificat de Travail
Le certificat de travail doit contenir différentes informations indispensables. Ainsi, il doit notamment préciser la nature de la relation de travail, en décrivant en détail les fonctions, tâches et responsabilités réellement exercées, même si celles-ci diffèrent de ce qui était initialement prévu dans le contrat. La durée de l’emploi doit être clairement indiquée, avec mention des dates de début et de fin du contrat, en privilégiant la date officielle de fin, même si l’activité a cessé avant cette date.
Un point délicat concerne la date à indiquer lorsque le certificat est délivré après une action en justice. Certains experts recommandent de dater le document de la fin des rapports de travail pour éviter de pénaliser le travailleur, bien que cela puisse soulever des questions juridiques. De plus, en cas de résiliation immédiate ultérieurement jugée injustifiée, il est parfois suggéré de mentionner la date de fin prévue si le contrat avait été résilié normalement. Cependant, cette approche peut entraîner des inexactitudes, risquant ainsi de transformer le certificat en un faux au sens de l’article 252 du Code pénal suisse (CP) et par là même exposer l’employeur à une condamnation pénale. Par conséquent, il est préférable de suivre une approche prudente, en indiquant la date de fin effective et en évitant toute antidatation du certificat.[3]
Pour être complet, il doit inclure la mention « certificat de travail » ou une désignation équivalente, le nom de l’employeur, l’identité exacte du travailleur, ainsi que le lieu et la date de délivrance.
Finalement, à moins que le travailleur ne demande pas explicitement que le certificat se limite à la nature et à la durée de l’emploi, le certificat doit également évaluer la qualité du travail accompli et le comportement du travailleur sur le lieu de travail.
Principes applicables au certificat de travail
La rédaction d’un certificat de travail doit suivre plusieurs principes pour offrir une évaluation honnête et objective de la prestation de l’employé, vue à travers les yeux d’un observateur neutre.[4]
Premièrement, le certificat doit être rédigé de manière bienveillante. Le but n’étant pas d’empêcher le travailleur de retrouver un emploi mais bien de l’aider en le présentant sous un jour favorable. [5] En application de ce principe, le certificat de travail doit donc mettre en avant les points forts du travailleur, ses compétences et ses qualités humaines, tout en restant honnête et juste.
Deuxièmement, le certificat doit être complet. Il doit donc couvrir tous les aspects importants de la relation de travail, en incluant des informations sur la qualité du travail fourni ainsi que sur le comportement de l’employé. Ainsi, des informations importantes mais négatives devront selon les circonstances également être incluses dans le certificat afin de donner une image fidèle et équilibrée.[6]
En effet, bien que l’accent soit mis sur les aspects positifs, il est parfois nécessaire d’inclure des éléments négatifs dans le certificat. Ceux-ci doivent cependant être pertinents et justifiés, portant uniquement sur des faits significatifs qui ont un impact direct sur la capacité de l’employé à exercer ses fonctions.[7] Par exemple, des comportements graves comme des infractions pénales liées au travail ou des manquements importants à la confiance nécessaire dans les relations professionnelles peuvent être mentionnés. En revanche, des désaccords mineurs ou des incidents isolés ne devraient pas être inclus, car ils ne reflètent pas de manière appropriée la performance globale de l’employé.[8]
Troisièmement, les informations incluses dans le certificat doivent être exactes et précises, sans laisser place à l’ambiguïté, à l’erreur ou à la confusion. Le document doit exclure toute donnée incorrecte ou trompeuse.
En résumé, un certificat de travail doit offrir une évaluation équilibrée et fidèle de l’employé, en respectant les principes de bienveillance, de complétude, d’exactitude, et en abordant les éléments négatifs de manière appropriée et justifiée.
Les Risques des Certificats Faussement Élogieux ou Falsifiés
Lorsqu’un employeur rédige un certificat de travail qui exagère les qualités d’un employé, il enfreint le principe de véracité, ce qui peut avoir des conséquences civiles et pénales. Comme indiqué précédemment, un certificat de travail doit refléter fidèlement la réalité du travail et du comportement de l’employé. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être tenu civilement pour responsable des dommages que subirait un futur employeur ayant recruté l’employé sur la base de ce certificat trompeur.
Par exemple, un cas a impliqué un employeur qui, malgré les détournements de fonds commis par un employé, avait rédigé un certificat très flatteur. Celui-ci contenait des éloges telles que « nous le recommandons vivement » et « nous rendons hommage à sa compétence et à son assiduité ». Lorsque cet employé a réitéré ses actes frauduleux chez son nouvel employeur, le Tribunal fédéral a jugé que l’employeur initial était responsable des pertes subies par le nouvel employeur, sur la base de l’article 41 CO. Selon le Tribunal, c’est la manière dont un tiers raisonnable interprète le certificat qui détermine sa véracité.[9]
En matière pénale, la création d’un certificat de travail excessivement élogieux peut être considérée comme un faux dans les titres, selon l’article 252 CP. On ne peut donc pas dire tout et n’importe quoi et rédiger un certificat grandiloquant pour éviter une procédure judiciaire car cela peut se retourner contre un employeur qui peut s’exposer à une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans de détention.[10]
Finalement, si un candidat présente un faux certificat de travail qu’il a lui-même rédigé et fait signer par un tiers, attribuant des qualités qui ne figuraient pas dans le certificat original, le nouvel employeur peut annuler le contrat de travail pour dol, conformément à l’article 28 CO. Dans ce cas, l’article 320 alinéa 3 CO prévoit que la relation contractuelle reste en vigueur jusqu’à l’annulation, mais sans effet rétroactif.[11] Nous noterons toutefois qu’au-delà des conséquences civiles, l’employé indélicat fait usage d’un faux. Comportement sanctionné par l’art. 252 CP.
Demande d’un certificat travail à contenu réduit et Droit à la rectification
Demande d’un certificat de travail à contenu réduit
Lorsqu’il anticipe une évaluation négative ou lorsqu’il doit fournir une attestation à une administration, un travailleur peut préférer que son certificat de travail n’inclue pas l’évaluation de l’employeur concernant sa performance ou son attitude au sein de l’entreprise.
Il s’agit là d’une possibilité offerte à l’employé et qui découle de l’article 330a alinéa 2 CO. Pour ce faire, le travailleur doit faire une demande expresse à son employé. Dans ce cadre, le certificat de travail contiendra uniquement la nature de son poste et la durée de son emploi. Il faut noter que même dans ce format, la description des tâches doit être exhaustive. [12]
On notera que l’employé n’est pas restreint à une seule version de certificat. Par exemple, il peut d’abord demander un certificat complet, puis choisir de recevoir un certificat sans évaluation, ou inversement. Il est également possible de solliciter les deux versions en même temps.[13]
Droit à la rectification du certificat de travail
Si un travailleur estime que le certificat délivré ne reflète pas correctement son expérience ou est incomplet, il a le droit de demander à son employeur d’en modifier le contenu en proposant une version alternative. En cas de refus de l’employeur, le travailleur peut saisir le tribunal des prud’hommes pour obtenir une rectification.
Cette demande est recevable tant que le délai de prescription de dix ans n’est pas dépassé, même si le travailleur n’a pas d’abord sollicité une modification directement auprès de l’employeur. Cela est particulièrement pertinent dans des contextes conflictuels où il semble peu probable que l’employeur soit coopératif.[14]
Lors d’une action en justice, c’est au travailleur de démontrer que le certificat contient des informations inexactes ou incomplètes. Étant donné la complexité de ce type de procédure, il est fortement recommandé de faire appel à un avocat, qui pourra gérer efficacement les aspects légaux ou les discussions précontentieuses.
Pour résumer
Le certificat de travail est un document clé dans la vie professionnelle en Suisse. Il sert non seulement à attester des compétences et du comportement d’un employé auprès de futurs employeurs, mais il engage aussi la responsabilité de l’employeur. Comme nous l’avons vu, il est essentiel que ce document soit rédigé avec soin, en respectant les principes de véracité, de complétude et d’équité. Un certificat mal rédigé peut entraîner des conséquences juridiques pour employeur et négativement impacter l’employé.
Pour les employés, il est nécessaire de s’assurer que leur certificat de travail reflète fidèlement leur expérience professionnelle. S’il est inexact ou incomplet ou malveillant, les employés ont le droit de demander des modifications à leur employeur. Si des divergences subsistent, ils peuvent s’adresser à un tribunal pour obtenir une rectification. Agir vaut la peine, un mauvais certificat coûte cher et impacte leur futur économique.
Pour les employeurs, il s’agit de rendre un certificat respectant les principes d’honnêteté et de bienveillance, ce qui parfois confine à un difficile jeu d’équilibriste. En cas de fin de rapport conflictuel, il est recommandé de faire usage d’un intermédiaire comme un avocat afin de se distancier du conflit et s’assurer que le certificat respecte les exigences légales.
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[1] Aubert Art. 330a CO in Dunand Mahon Commentaire du contrat de travail no3 p. 615, 2ème édit, 2020
[2] Idem
[3] Wyler Heinzer droit du travail 4ème édit.p. 524, 2019
[4] ATF 136 III 510 c. 4
[5] Aubert Art. 330a CO in Dunand Mahon Commentaire du contrat de travail no18 p. 619, 2ème édit, 2020
[6] ATF 136 III 510
[7] 4A_127/2007 ; Aubert Art. 330a CO in Dunand Mahon Commentaire du contrat de travail no21 p. 619, 2ème édit, 2020
[8] Aubert Art. 330a CO in Dunand Mahon Commentaire du contrat de travail no21 p. 619-620, 2ème édit, 2020
[9] ATF 101 II 69 ; Wyler Heinzer droit du travail 4ème édit.p. 533, 2019
[10] Idem
[11] ATF 132 III 242
[12] Art. 330a in Commentaire du contrat de travail Bruchez/ Mangold/Schwaab 4ème édit. p.255, 2019
[13] ATF 129 III 177
[14] Art. 330a in Commentaire du contrat de travail Bruchez/ Mangold/Schwaab 4ème édit. p.255