LES PRINCIPES DE LA FORME DU CONTRAT DE BAIL EN DROIT SUISSE

De manière générale, le droit suisse n’exige pas de formes spécifiques pour les contrats de location. Un contrat de bail peut donc être conclu dans l’un de ces formats : communication écrite, orale ou actes concluants.

Il existe cependant quelques exceptions et spécificités qu’il est important de connaître dès lors que l’on s’apprête à louer ou mettre en location un bien.

Afin de vous fournir une vision en 360o de la thématique de la forme du contrat de bail en droit suisse et de ses restrictions, nous traiterons dans cet article :

    1. Des situations où une forme est imposée pour la signature d’un contrat de bail ;
    2. De l’auto-imposition de la forme écrite par les parties ;
    3. De la forme écrite du contrat de bail ;
    4. De l’annotation du bail au registre foncier ;
    5. De la forme orale du contrat de bail ;
    6. Du bail tacite ;
    7. Des frais liés à l’établissement du contrat et de la résiliation avant terme.

DES SITUATIONS OÙ UNE FORME EST IMPOSÉE DANS LE BAIL

1. De la formule officielle imposée pour la signature d'un bail

Dans certains cantons le loyer initial d’un logement doit être déclaré sur une formule officielle (art. 270 al. 2 CO). Cela signifie que le loyer et la motivation de son montant doivent être spécifiés par écrit, bien qu’ils puissent également être implicitement déterminés par un accord verbal.[1]

Du fait de la pénurie de logements, la forme officielle est aujourd’hui obligatoire en Suisse romande dans les cantons suivants:

  • Genève: obligatoire dans tout le canton ;
  • Neuchâtel: obligatoire uniquement dans les communes de Neuchâtel, La Tène, Cornaux, Cressier, Le Landeron, Cortaillod, Milvignes, Rochefort, La Grande Béroche (dans cette commune, la formule officielle n’est toutefois obligatoire que pour les logements de 5 pièces) et Val-de-Ruz;
  • Vaud : obligatoire, sauf dans les districts d’Aigle, de Broye-Vully et du Jura-Nord vaudois, à l’exclusion de la Commune d’Yverdon-les-Bains.[2]

La formule officielle n’est par contre pas obligatoire dans le canton de Fribourg, du Valais et du Jura.[3]

2. De la forme écrite imposée dans le bail par le droit suisse

Dans le cadre de certaines étapes de la vie du contrat de bail, les parties doivent préciser leurs intentions au moyen d’un accord écrit.

Cela arrive notamment dans les cas suivants :

  1. Lorsque le locataire menace de consigner du loyer art. 259g al. 1 CO ;[4]
  2. Accord écrit du locataire pour la rénovation du bien loué ou sa modification par le locataire (art. 260a CO) ;[5]
  3. Dans le cadre du transfert d’un bail commercial, accord écrit du bailleur (art. 263 al. 1 CO) ;[6]
  4. En cas de faillite du bailleur les demandes de sûretés (art. 266h al. 1 CO) ;[7]
  5. Notification du congé par écrit et au travers d’une formule officielle pour les bailleurs (art. 266l CO) ;[8]
  6. Notification d’une hausse de loyer au travers d’une forme officielle (art. 269d al. 1 et 2 CO) ;[9]
  7. Notification unilatérale d’autres modifications du contrat de bail que la hausse de loyer par le bailleur au travers d’une formule officielle. (art. 269d al. 3 CO) ;[10]
  8. Demande d’une baisse de loyer par écrit (art. 270 al. 2 CO) ;[11]
  9. Accord concernant l’annotation du bail au registre foncier par écrit (art. 78 al. 3 ORF).[12]

Si le droit suisse exige la forme écrite, il va de soi que toute modification doit également respecter cette forme.

De L’AUTO-IMPOSITION DE LA FORME ÉCRITE PAR LES PARTIES

Lorsqu’elles le souhaitent, les parties peuvent convenir que le contrat de location sera écrit même dans les cas où cette forme n’est pas imposée par le droit. Cet accord peut être exprès au travers notamment d’une lettre d’intention ou implicite. Cette dernière hypothèse se concrétise lorsqu’une partie soumet à l’autre un contrat qui ne doit plus qu’être signé, lorsque les parties ont déjà préparé ensemble un projet de contrat, ou encore si l’affaire apparaît d’une complexité telle que l’on ne peut pas légitimement considérer que celle-ci puisse être finalisée d’une autre manière que sous la forme écrite.

Dans ces circonstances, le contrat ne sera conclu que lorsque toutes les règles de la forme écrite auront été respectées.Les parties qui ont réservé la forme écrite sont réputées en avoir fait une condition de validité du contrat ; conformément à l’article 16 CO. [13]

Ainsi il n’est possible de contester cette présomption que dans des cas exceptionnels. La réserve de la « forme écrite » doit être décidée avant l’accord sur le contenu du contrat. Sinon, une forme écrite ne peut pas toucher à la validité d’un contrat et n’a qu’une valeur de preuve. Finalement, lorsque les deux parties acceptent des services contractuels sans réserve le contrat de bail en force, peu importe que la forme écrite ne soit pas respectée. [14]

Concernant les éventuelles modifications ultérieures du contrat, celles-ci sont soumises à la réserve de la forme écrite que si le contrat initial prévoit expressément que toute modification doit revêtir la forme écrite. Cela veut donc bien dire, qu’un contrat n’ayant pas de réserve de forme pour ces modifications peut évoluer au travers des actes concluants des parties.[15]

C’est pourquoi nous recommandons d’intégrer dans un contrat de bail une clause précisant expressément que tout avenant au contrat doit être fait sous la forme écrite, cela permettant d’éviter les malentendus. Par ailleurs pour s’assurer la preuve de l’accord sur l’avenant il n’existe rien de plus sûr que la forme écrite.

DE LA FORME ÉCRITE DANS LE CONTRAT DE BAIL

Le bail écrit correspond à une pratique dominante en Suisse, surtout lorsque le bailleur est représenté par une régie.

Conformément à l’exigence de la forme écrite, le bail est réputé conclu une fois que toutes les parties ou leurs représentants ont apposé leur signature manuscrite (art. 13 al. 1 et art 14 al. 1 CO). On notera toutefois qu’il n’est pas nécessaire que tous les exemplaires soient signés par toutes les parties. En effet, il est suffisant que chaque partie ait signé un exemplaire du contrat. Dans ce cadre, le contrat de bail sera réputé conclu à la réception de l’exemplaire signé par l’autre partie.

Concernant le contenu du contrat de bail, il peut se décomposer en deux types de clauses:

    1. Les clauses sur mesure qui comprennent les éléments tels que la désignation de l’objet mis en location, la date d’entrée en vigueur du contrat, l’échéancier du contrat, montant du loyer et quelques points particuliers spécifiques à la relation en question et qui sont fréquemment rédigées de manière manuscrite;
    2. Les clauses générales qui comprennent notamment les règles d’usages locatifs, le contrat type et qui sont préimprimées. Celles-ci peuvent être établies unilatéralement par des organisations de bailleurs ou conjointement avec des associations de locataires et de bailleurs, parfois sous la forme d’un contrat-cadre.

Il est de plus très fréquent que le contrat de bail comprenne des annexes (par ex. formule officielle, inventaires, plan de la maison, règlement intérieur etc. ). Ces dernières lient les parties pour autant qu’elles soient mentionnées dans le contrat et que les parties en aient obtenu au moins un exemplaire.

DE L’ANNOTATION DU BAIL AU REGISTRE FONCIER

L’art. 261d al. 1 CO offre aux parties la possibilité de stipuler l’annotation de baux d’immeubles au registre foncier. [16]

Dans le cas où l’annotation du bail est faite au registre foncier, celle-ci oblige tout nouveau propriétaire à laisser au locataire l’usage de l’immeuble en conformité du bail. Ainsi, avec l’annotation, le contrat de bail devient opposable à toute personne qui acquiert ultérieurement un droit réel sur l’immeuble.

En découle que la vente d’un immeuble par l’ancien propriétaire le libère de toute obligation ultérieure envers le locataire d’un bail annoté. Cela a son importance au regard de l’art. 261 al. 3 CO qui prescrit que « si le nouveau propriétaire résilie le contrat plus tôt que ne le permettrait le bail, le bailleur précédent répond de tous les dommages ainsi causés au locataire » [17]. En effet, l’annotation empêche précisément la possibilité d’une résiliation avant le terme du contrat de bail.

Concernant la forme du contrat, il va de soi que l’annotation d’un contrat de bail au registre foncier impose la forme écrite (art. 78 al. 3 ORF). [18] En effet, pour procéder à l’annotation du bail au registre il est nécessaire de transmettre un exemplaire original du contrat de bail. En règle générale le contrat original fourni doit contenir une clause prévoyant l’annotation, cependant, la volonté d’inscrire peut aussi provenir d’un accord écrit séparé.

On précisera qu’un contrat de bail doit être conclu pour une durée précisée contractuellement ou à tout le moins dans la demande d’annotation au registre foncier. [19]

Il appartient en principe au bailleur de procéder à l’annotation du bail au registre foncier. Il est possible de déroger à cela mais uniquement s’il en est fait mention dans la clause traitant de l’annotation. [20]

DE LA FORME ORALE DU CONTRAT DE BAIL

Les baux oraux sont conclus par la parole entre des personnes qui sont en présence les unes des autres ou qui se parlent au téléphone. En général, sa conclusion est immédiate, en ce sens que l’acceptation suit l’offre quasiment immédiatement. Les deux parties peuvent toutefois conclure un contrat verbal comprenant un délai de réflexion.

L’existence d’un bail verbal est difficile à prouver. C’est pour cela que les parties ont tout intérêt à se ménager des preuves de son existence telles que quittance du paiement du loyer, échange de courriel sur le rapport de location ou encore présence de témoins lors de la conclusion du contrat.

Une des manières les plus efficaces pour s’assurer de la preuve de l’existence d’un contrat de bail conclu oralement est de rédiger une lettre de confirmation reprenant les points validés par les parties et de l’envoyer par recommandé afin de s’assurer de sa réception.

Il est important de rappeler qu’un contrat de bail oral ne permet pas d’obtenir un titre de mainlevée provisoire. [21] Ainsi, si le locataire fait opposition à un commandement de payer pour des loyers impayés, il sera nécessaire d’entreprendre une action au fonds, ce qui est bien plus lourd procéduralement.

En conclusion, s’il est possible de faire un contrat de bail oralement pour autant que la formule officielle ne soit pas imposée, il est recommandé de passer par la forme écrite qui permet d’assurer la preuve de l’existence et du contenu du contrat. En effet, les paroles s’envolent, mais les écrits restent.

DU BAIL TACITE

Un bail peut exceptionnellement être conclu de manière tacite soit sans que les parties aient signé un contrat ou convenu oralement du bail. Dans ce cadre, le contrat se fait au travers d’acte concluant soit par exemple lorsque le bailleur remet au locataire les clés du bien et que le locataire s’installe dans les locaux et paie un loyer le tout sans que le bailleur ne soulève d’opposition. [22]

Il en va de même si après le terme d’un contrat de bail le locataire reste dans les lieux et continue à payer son loyer. Dans ces circonstances, le contrat de bail tacite qui se substitue à l’ancien reprend les mêmes conditions que le contrat initial.[23]

Cependant, l’existence de la possibilité de créer des contrats tacitement ne veut pas dire que le silence d’une partie suite à la réception d’une offre doit être considéré comme une acceptation de l’offre. En effet, la règle est qui ne dit mot ne consent pas et l’art. 6 al. 1 CO ne s’applique que dans des cas très exceptionnels au contrat de bail, car l’usage dans la pratique est qu’un contrat de bail soit conclu en la forme écrite. [24]

DES FRAIS LIÉS À L’ÉTABLISSEMENT DU CONTRAT De bail ET LA RÉSILIATION AVANT TERME

Le contrat de bail contient parfois des clauses demandant au locataire de s’acquitter des frais ayant trait à l’établissement du contrat par la gérance. Or, ce type de clause doit être considérée comme nulle. En effet, ce type de frais entre déjà dans l’administration ordinaire du bien, couvert par le loyer. [25]

Dans le cadre d’une résiliation d’un bail avant un terme l’art. 264 CO prescrit qu’un locataire n’est libéré de ses obligations envers le bailleur que s’il lui présente un nouveau locataire et que si trois conditions sont remplies :

    1. Le nouveau locataire est solvable ;
    2. Le bailleur ne peut raisonnablement refuser ;
    3. Le nouveau locataire accepte de reprendre le bail au mêmes conditions. [26]

A contrario, l’art. 264 al. 2 CO commande que si le locataire n’arrive pas à trouver un locataire répondant aux conditions exposées, celui-ci devra s’acquitter du loyer jusqu’à l’expiration de la durée du bail ou jusqu’au prochain terme de congé contractuel ou légal.

Or, l’article 264 CO règle exhaustivement les conditions de cette libération avant terme et est de nature relativement impérative.[27] Ainsi, un contrat de bail ne peut y déroger en défaveur du locataire qui est la partie faible.

En clair, cela signifie que le bailleur ne peut pas rajouter de conditions supplémentaires que le locataire devrait respecter pour mettre fin de manière anticipée à son contrat. De telles conditions sont nulles. [28]

Malheureusement, tant la facturation des frais d’établissement que la facturation de frais administratifs pour la résiliation avant terme du bail sont des pratiques relativement courantes des régies qui tendent à facturer des montants de l’ordre de CHF 200.-  pour ce type d’activité.

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[1] Art. 270 CO ; Arrêt du 22 août 2022  4A_83/2022

[2] 2-22-octobre-analyse-4a-83-2022.pdf (publications-droit.ch)

[3] Idem

[4] Art. 259g CO

[5] Art. 260a CO

[6] Art. 263 CO

[7] Art. 266h CO

[8] Art. 266i CO

[9] Art. 269d CO

[10] Art. 269d CO

[11] Art. 270 CO

[12] Art. 78 Annotation de droits personnels ORF

[13] Le Bail à loyer, LACHAT GROBET THOREND RUBLI STASTNY, édit.  2019 p 204

[14] Idem

[15] Idem

[16] Art. 261b CO

[17] Art. 261 CO

[18] Art. 78 Annotation de droits personnels ORF

[19] Le Bail à loyer, LACHAT GROBET THOREND RUBLI STASTNY, édit. 2019 p 208

[20] Idem

[21] Art. 82 LP

[22] Le Bail à loyer, LACHAT GROBET THOREND RUBLI STASTNY, édit. 2019 p 210

[23] ATF 119 II 147 ; Le Bail à loyer, LACHAT GROBET THOREND RUBLI STASTNY, édit. 2019 p 210

[24] Idem

[25] Le Bail à loyer, LACHAT GROBET THOREND RUBLI STASTNY, édit. 2019 p 207

[26] Art. 264 CO

[27] Arrêt du Tribunal fédéral du 9 juin 2015   4A_75/2015

[28] Idem

[29] Art. 271a CO

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