I. Contexte et Enjeux de l'Affaire
L’affaire 4A_369/2023 portée devant le Tribunal fédéral suisse met en lumière les droits des actionnaires minoritaires dans le cadre de la gouvernance d’une société anonyme (SA). Dans cette affaire, la société a pris la décision de passer à une norme comptable reconnue à l’international après l’expiration du délai légal prévu. Les actionnaires minoritaires ont contesté cette décision, affirmant qu’elle avait été prise sans consultation adéquate et qu’elle portait atteinte à leurs droits financiers. Cette affaire soulève des questions essentielles concernant la transparence et la consultation dans les décisions majeures d’une entreprise, et met en évidence l’importance de protéger les intérêts des actionnaires minoritaires.
II. Analyse Juridique
a. Obligations Légales de la Société en Matière de Comptabilité
Selon le Code des obligations suisse (CO), les sociétés anonymes doivent établir leurs états financiers en conformité avec des normes comptables reconnues (Art. 958 et suivants CO). Ces règles ont pour objectif de garantir la transparence et la fiabilité des informations financières, qui sont essentielles non seulement pour les actionnaires, mais également pour les créanciers et d’autres parties prenantes. Dans le cadre de cette affaire, la société a adopté tardivement une norme comptable internationale, soulevant ainsi des doutes quant à la conformité de cette décision avec les obligations légales en vigueur.
b. Droits des Actionnaires Minoritaires
Les actionnaires minoritaires, bien qu’ils ne détiennent pas la majorité des actions, ont des droits spécifiques en matière de gouvernance d’entreprise. Le Code des obligations (Art. 697 et suivants CO) prévoit que les actionnaires minoritaires doivent être consultés lors de décisions importantes qui peuvent affecter la valeur de leurs investissements. Ces droits incluent, entre autres, le droit de participer aux assemblées générales, de poser des questions sur la gestion de la société, et d’être informés des évolutions majeures.
Dans cette affaire, les actionnaires minoritaires ont estimé que la décision de changer de norme comptable, prise sans une consultation appropriée, les avait désavantagés. En effet, une norme comptable différente peut avoir un impact sur la manière dont la situation financière de la société est perçue, et donc sur la valeur des actions détenues par les actionnaires.
c. Pratiques de Gouvernance d’Entreprise
En vertu de l’article 716a CO, la gouvernance d’entreprise doit reposer sur des processus décisionnels transparents et participatifs. Les décisions majeures, telles que l’adoption de nouvelles normes comptables, doivent respecter les délais légaux et impliquer les actionnaires, notamment lorsqu’il s’agit d’une décision susceptible d’affecter la valeur de leurs parts.
Dans cette affaire, la société a non seulement adopté une norme comptable de manière tardive, mais elle a également omis d’impliquer suffisamment ses actionnaires minoritaires, ce qui constitue une violation des principes de bonne gouvernance d’entreprise.
d. Décision du Tribunal Fédéral : Examen de la Validité de la Décision
Le Tribunal fédéral a minutieusement analysé les obligations légales de la société, les droits des actionnaires et les pratiques de gouvernance d’entreprise. Il a conclu que la société avait manqué à ses obligations légales en adoptant tardivement la norme comptable internationale sans consultation adéquate des actionnaires minoritaires.
e. Compensation des Actionnaires
Conformément à l’article 756 CO, qui vise à protéger les actionnaires contre les décisions portant atteinte à leurs intérêts financiers, le Tribunal a ordonné à la société de compenser les actionnaires minoritaires pour les pertes subies à la suite de cette décision. Cette compensation vise à rétablir un équilibre entre les parties et à corriger les effets négatifs causés par le manque de consultation.
f. Amélioration des Procédures de Consultation
Le Tribunal a également exigé que la société améliore ses procédures de consultation pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir. Il a souligné l’importance de respecter les délais légaux et d’impliquer activement les actionnaires, notamment lors de décisions ayant un impact direct sur leurs droits financiers.
III. Implications de la Décision
a. Pour les Sociétés Anonymes
Cette décision est un rappel clair pour les entreprises de l’importance de respecter les délais légaux lors de l’adoption de nouvelles normes comptables. Il ne suffit pas de se conformer aux exigences comptables, il faut également veiller à consulter adéquatement les actionnaires, en particulier les minoritaires. La transparence financière et la participation des actionnaires dans les décisions stratégiques sont des éléments fondamentaux d’une gouvernance d’entreprise saine.
b. Pour les Actionnaires Minoritaires
Cette affaire renforce la protection des actionnaires minoritaires en leur offrant un précédent judiciaire pour contester les décisions de l’entreprise qui pourraient nuire à leurs intérêts financiers. Le Tribunal fédéral a rappelé que même les actionnaires minoritaires ont le droit de participer à la gouvernance de l’entreprise, en particulier lorsque des décisions majeures sont prises. Les minoritaires peuvent ainsi être plus confiants dans leur capacité à contester les actions de la société qui violeraient leurs
c. Pour le Droit des Sociétés
Cette décision clarifie les obligations des sociétés en matière de comptabilité et de consultation des actionnaires. Elle impose un cadre plus strict pour l’adoption de nouvelles normes comptables et insiste sur le respect des délais légaux. Cette jurisprudence établit également un précédent important pour le droit des sociétés en Suisse, renforçant les droits des actionnaires minoritaires et leur rôle dans la gouvernance d’entreprise.
IV. Caveat sur les Droits des Actionnaires Minoritaires
a. Principes Généraux
Les actionnaires minoritaires sont protégés par un ensemble de droits en Suisse pour s’assurer que leurs intérêts soient pris en compte dans les processus de gouvernance. Ces droits visent à rétablir l’équilibre entre les actionnaires majoritaires, souvent décisionnaires, et les minoritaires, qui détiennent un pouvoir plus limité. Ces droits permettent aux actionnaires minoritaires de participer activement à la gestion de l’entreprise et d’influencer certaines décisions.
b. Droits de Participation et de Vote
Les actionnaires minoritaires ont le droit de participer aux assemblées générales et d’y voter. L’article 692 CO stipule que chaque action donne droit à une voix. Les décisions importantes, telles que les modifications des statuts, les augmentations de capital ou les fusions, doivent être soumises au vote lors de l’assemblée générale, garantissant ainsi que les actionnaires minoritaires puissent faire valoir leur point de vue.
c. Droit à l'Information
En vertu de l’article 697 CO, les actionnaires minoritaires ont le droit d’obtenir des informations sur la gestion et les comptes de la société. Ce droit est essentiel pour s’assurer que les actionnaires minoritaires peuvent poser des questions pertinentes lors des assemblées générales et exercer un contrôle sur les décisions prises par les administrateurs.
d. Droit de Contrôle
L’article 697a CO permet aux actionnaires minoritaires de demander la nomination d’un contrôleur spécial pour examiner certaines opérations de la société. Ce droit est crucial en cas de soupçons de mauvaise gestion ou de fraude, permettant ainsi une enquête indépendante sur les pratiques de gestion de l’entreprise.
e. Droit de Recours
En cas de violation de leurs droits, les actionnaires minoritaires peuvent recourir au tribunal. L’article 756 CO leur permet de demander l’annulation des décisions de l’assemblée générale qui contreviennent à la loi ou aux statuts de la société. Ce droit de recours garantit que les décisions de la société doivent être conformes aux règles de gouvernance et aux lois en vigueur.
f. Protection contre les Décisions Préjudiciables
L’article 706 CO protège les actionnaires minoritaires contre les décisions de l’assemblée générale qui leur causeraient un préjudice disproportionné. Cette disposition permet aux actionnaires de contester les décisions qui porteraient atteinte à leurs intérêts financiers, assurant ainsi que les décisions de l’entreprise sont équitables pour tous.
g. Droits dans les Fusions et Acquisitions
En cas de fusion ou de restructuration, les actionnaires minoritaires ont le droit d’être traités équitablement. Selon l’article 740 CO, ils doivent recevoir une compensation adéquate pour leurs actions. Ils peuvent également demander une révision judiciaire pour contester la valeur de la compensation proposée.
h. Droit à une Répartition Équitable des Dividendes
L’article 660 CO garantit aux actionnaires minoritaires le droit de recevoir une part équitable des bénéfices sous forme de dividendes. Sauf disposition contraire dans les statuts, les bénéfices doivent être distribués proportionnellement entre tous les actionnaires.
i. Droit de Proposer des Points à l'Ordre du Jour
Les actionnaires minoritaires représentant au moins 10 % du capital social peuvent demander l’inscription de points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, selon l’article 699 CO. Cela leur permet de soulever des questions importantes et d’influencer les discussions lors des assemblées.
j. Droit de Demander une Dissolution
Enfin, les actionnaires minoritaires peuvent, en cas de conflit grave ou d’abus, demander la dissolution de la société en vertu de l’article 736 CO. Cette mesure, bien qu’extrême, garantit une protection en cas de blocage ou de gestion abusive.
V. Conclusion
La décision du Tribunal fédéral dans l’affaire 4A_369/2023 constitue une avancée importante pour la protection des actionnaires minoritaires en Suisse. Elle rappelle aux entreprises l’importance de respecter les délais légaux et de consulter adéquatement leurs actionnaires, renforçant ainsi les principes de transparence et de participation dans la gouvernance d’entreprise. En outre, cette décision fournit un cadre plus strict pour l’adoption de nouvelles normes comptables, renforçant les droits des actionnaires minoritaires et leur rôle dans la prise de décision. Les actionnaires minoritaires, armés de ces protections légales, sont mieux équipés pour défendre leurs intérêts et veiller à ce que leurs droits soient respectés dans la gestion de l’entreprise.
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