Le système juridique suisse institue des mesures clés pour la protection des droits des travailleurs, reconnaissant leur rôle dans la société. Cet article se concentre sur l’examen de l’impossibilité de renoncer à certain de leurs droits des employés et aux délais de prescription qui s’y appliquent aux créances découlant d’un rapport de travail.

I. L'INALIÉNABILITÉ DE CERTAINS DROITS ESSENTIELS DES EMPLOYÉS EN SUISSE

a. Protection étendue pendant et après le contrat

L’art. 341 alinéa 1 du Code des Obligations (CO) prescrit que « Le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective. »,. Cette protection a pour vocation d’empêcher les employeurs d’imposer une renonciation à certains droits ou créances aux travailleurs, particulièrement dans un contexte où la dynamique de pouvoir penche en faveur de l’employeur.

b. Application à tous les niveaux hiérarchiques

Un point saillant de cette législation est son universalité. Aucun employé, qu’il occupe un poste en haute direction ou qu’il soit un ouvrier sur la chaîne de production, n’est exclu de la protection de l’article 341 al. 1 du CO. Cette disposition assure à tous une sécurité juridique face aux pressions potentielles et renforce le sentiment d’équité au sein des entreprises suisses.[1]

Si le droit suisse exige la forme écrite, il va de soi que toute modification doit également respecter cette forme.

II. FLEXIBILITÉ ET EXCEPTIONS À LA RÈGLE

a. Modification d’un contrat de travail

L’Article 341 du Code des Obligations suisse n’immobilise pas les termes des contrats de travail, mais ouvre la voie à des modifications pourvu qu’elles prennent effet dans le futur .[2]  Ce cadre légal permet d’adapter les accords de travail en cours pour refléter les circonstances changeantes, tant que les ajustements envisagés ne rétroagissent pas.

b. Modification d’un contrat de travail

Malgré la fermeté de la règle interdisant la renonciation aux droits acquis des employés, la jurisprudence permet, dans certains cas, la renégociation d’éléments contractuels antérieurs. Ces ajustements peuvent résulter d’une décision de justice ou d’ententes extrajudiciaires. [3] Cependant, pour être légitimes, ils doivent s’appuyer sur une balance équilibrée des concessions mutuelles et sur un accord explicite entre les parties, garantissant ainsi la protection des intérêts de l’employé, partie potentiellement la plus exposée à des déséquilibres. [4]

c. Assistance d'un avocat renforce l'équilibre des accords de travail

Lorsqu’un employé est assisté par un avocat durant la révision d’un contrat de travail, un juge est enclin à présumer que l’accord conclu est équitable.[5]  L’expertise de celui-ci assure que l’employé a été pleinement informé sur la portée de ses droits et sur les conséquences de l’entente, établissant ainsi un fondement solide pour la présomption de réciprocité et d’équité de l’accord devant la justice.

III. EXEMPLE D’IMPOSSIBILITÉ DE RENONCER À DES DROITS

a. Salaire et bonus

Le Tribunal fédéral a statué que les employés peuvent renégocier leur salaire à la baisse pour l’avenir, conformément à l’article 322 du Code des Obligations. Cette révision ne peut cependant pas affecter le paiement pour le travail déjà accompli.[6]  Pour les baisses de salaire futures, un simple silence de l’employé ne suffit pas à confirmer son accord ; l’employeur doit prouver le consentement explicite .[7] En matière de bonus, leur nature détermine s’ils sont considérés comme salaire ou gratification, influençant ainsi les conditions de leur versement. [8]

b. Travail sur appel et des heures supplémentaires

Les employeurs sont tenus de verser le salaire pour les prestations de travail sur appel non honorées pour motifs économiques, conformément à l’article 324 alinéa 1 du CO et l’employé ne peut y renoncer.[9]  Concernant les heures supplémentaires, la loi suisse interdit aux employés de renoncer à leur paiement, une majoration de 125% étant de rigueur pour tout travail excédant les heures normales. [10]

c. Salaire lié aux vacances et indemnité pour travail durant les jours fériés

Les salaires liés aux congés annuels[11]  et les indemnités liées aux travail effectué durant les jours fériés[12]  sont couverts par l’art. 341 al. 1 CO. Les salariés en Suisse ne peuvent pas être contraints de renoncer à leur rémunération pendant ces périodes, garantissant le respect de leur droit à une rémunération adéquate et à des périodes de repos essentielles.

IV. DÉLAIS DE PRESCRIPTION DES CRÉANCES LIÉES AU CONTRAT DE TRAVAIL

Le cadre législatif suisse est également précis dans la gestion des délais de prescription des créances issues du contrat de travail. Ces délais sont déterminants pour fixer la durée pendant laquelle un employé ou un employeur peut réclamer en justice l’exécution des droits découlant du contrat.

a. Règles générales de prescription

Selon l’article 341 alinéa 2 du CO, la prescription des créances du contrat de travail est régie par les articles 127 et suivants du même code. Ces articles établissent des délais de prescription adaptés à la nature de chaque créance. De manière générale, ces délais varient de cinq à dix ans, offrant une fenêtre temporelle considérable pour faire valoir les droits en justice.

b. Délai de prescription et créances périodiques

La législation suisse en matière de droit du travail établit des délais de prescription spécifiques pour les créances, en fonction de leur caractère périodique. Pour les créances récurrentes, telles que les salaires ou les indemnités pour heures supplémentaires, un délai de prescription quinquennal est appliqué à compter de leur exigibilité. Cette mesure vise à reconnaître la périodicité des droits des employés et à assurer une protection adaptée sur une durée conséquente.

c. Délai de prescription et créances non-périodiques

Dans le contexte des créances non périodiques liées au contrat de travail, le législateur suisse a posé une prescription de dix ans, selon l’127 CO. Toutefois, cette période peut s’allonger à vingt ans à partir de l’événement causal lorsqu’il s’agit de préjudices exceptionnellement graves, notamment en cas de décès ou de blessures corporelles dues à une faute contractuelle. La partie lésée doit cependant exercer ses droits dans un délai de trois ans après avoir pris connaissance du dommage.

d. Exception pour les travailleurs résidant chez leur employeur

Une dérogation notable est prévue par l’article 134 alinéa 1 chiffre 4 CO, qui prévoit que le délai de prescription des créances d’un employé est suspendu pour toute la durée du contrat de travail lorsque ce dernier réside chez l’employeur. Ce dispositif a pour objectif d’empêcher que la relation étroite et quotidienne entre l’employeur et le travailleur résidentiel ne contraigne ce dernier à intenter une action en justice de manière précipitée afin d’éviter l’extinction de ses droits. Le Tribunal fédéral insiste sur une interprétation large de cette règle, l’étendant également aux employés œuvrant pour des sociétés sous le contrôle de l’employeur.[13]

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[1] 4C.20/2007 du 22 octobre 2007, c. 2.4

[2] 4A_666/2017 du 17 mai 2018, c. 4.3.

[3] Wyler/Heinzer, p. 349

[4] ATF 136 III 467, c. 4.5

[5] 4A_25/2014 du 7 avril 2014, c. 6.2

[6] 4A_96/2017 du 14 décembre 2017, c. 4.1.4

[7] 4A_367/2018 du 27 février 2019, c. 3.5.3

[8] ATF 142 III 381, c. 2

[9] 4A_509/2008 du 3 février 2009, c. 5.1 s

[10] 4A_96/2017 du 14 décembre 2017, c. 4.1.2

[11] 4A_96/2017 du 14 décembre 2017, c. 4.1.2

[12] 4A_96/2017 du 14 décembre 2017, c. 4.1.3

[13] ATF 113 II 414, c. 2c/bb

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