Adoption de la réforme fiscale par la Suisse
Le 18 juin 2023, une majorité écrasante de 78,5% des votants suisses a approuvé une modification constitutionnelle, établissant la base légale nécessaire pour l’implémentation de l’impôt minimum global[1]. Cette initiative vise principalement à assurer que les recettes fiscales générées en Suisse restent dans le pays, évitant ainsi leur transfert à l’étranger[2].
Les objectifs de cette réforme sont multiples.
Premièrement, cette initiative vise principalement à assurer que les recettes fiscales générées en Suisse restent dans le pays, évitant ainsi leur transfert à l’étranger[3].
Deuxièmement, elle vise à garantir que les entreprises multinationales contribuent de manière équitable aux finances publiques.
Enfin, cette mesure cherche à limiter les pratiques d’optimisation fiscale agressive qui permettent souvent aux grandes corporations de minimiser leur imposition à travers des mécanismes complexes de planification fiscale. En fixant un seuil minimal, la Suisse s’assure que ces entités apportent une part juste et significative au budget de l’État.
Entrée en vigueur de l'impôt minimum de l'OCDE et du G20
A compter du 1er janvier 2024, la Suisse a commencé à percevoir un impôt complémentaire sur les grandes entreprises multinationales, conformément à la réforme de l’OCDE et du G20 approuvée globalement par 140 pays et ratifiée par les citoyens suisses lors des dernières votations[4]. Ce changement intervient alors que de nombreux pays sont encore en phase de préparation ou décident de ne pas adopter cet impôt[5].
Impact sur les grandes multinationales
L’impact de cette mesure est considérable, tant pour les entreprises concernées que pour le système fiscal suisse.
Les grandes multinationales basées en Suisse sont désormais tenues de payer un impôt sur les bénéfices d’au moins 15% à partir de janvier[6].
Qu’est-ce qu’une multinationale ?
Au regard de la réforme fiscale, une entreprise multinationale peut être définie comme suit :
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- Une entreprise ayant des opérations et des filiales dans plusieurs pays.
- Une entreprise qui gère et dérive des revenus substantiels de ces opérations internationales.
- Elle génère un chiffre d’affaires annuel de 750 millions d’euros ou plus.
Ainsi, cette mesure affecte principalement les entreprises avec un chiffre d’affaires global excédant 750 millions d’euros, ce qui représente environ 1% des entreprises en Suisse.
Conséquences pour les PME suisses
Dans le cadre de la réforme fiscale suisse visant à introduire un impôt minimum de 15% pour les multinationales conformément aux directives de l’OCDE et du G20, il est essentiel de noter que cette mesure cible uniquement les grandes entreprises internationales[7].
Les petites et moyennes entreprises (PME), qui forment l’épine dorsale de l’économie suisse, ne sont pas affectées par ces changements[8].
Cette distinction est cruciale car elle assure que les PME peuvent continuer leurs opérations sans perturbations majeures, maintenant ainsi la stabilité économique et la croissance au niveau local.
Cette approche cible permet aux PME suisses de continuer à bénéficier de la structure fiscale actuelle qui est relativement favorable et adaptée à leurs besoins spécifiques. En effet, les PME en Suisse jouissent généralement d’un environnement fiscal avantageux qui contribue à leur compétitivité et à leur capacité d’innovation et le maintien de ces conditions leur permet de se concentrer sur la croissance et l’expansion sans se préoccuper d’augmentations fiscales potentielles qui pourraient entraver leur progression.
En préservant le cadre fiscal actuel pour les PME, la Suisse confirme son engagement envers le soutien et le développement de ce secteur vital. Les PME continuent à bénéficier d’une fiscalité adaptée qui leur permet d’alléger les charges administratives et financières, tout en favorisant un écosystème entrepreneurial dynamique.
Ce soutien est d’autant plus essentiel qu’il stimule l’emploi local, encourage l’innovation et soutient la croissance économique régionale.
Mise en œuvre et retombées financières de la réforme législative du 1er janvier 2024
Cet impôt complémentaire sur les multinationales est appliqué pour ajuster la charge fiscale des entreprises multinationales situées dans des cantons où les taux sont inférieurs à ce seuil minimum[9].
L’objectif principal de cette réglementation fiscale est d’assurer une imposition équitable des grandes entreprises opérant en Suisse, indépendamment du canton où elles sont implantées. Cette mesure vise à créer un environnement de marché plus juste et à prévenir les distorsions économiques qui pourraient résulter de différences significatives dans les taux d’imposition régionaux. En harmonisant l’impôt sur les bénéfices, le gouvernement suisse cherche à éviter que des entreprises ne choisissent de s’établir uniquement dans des cantons offrant des avantages fiscaux substantiels, ce qui pourrait donner lieu à une concurrence déloyale et fausser l’équilibre économique entre les régions[10].
En effet, d’importantes disparités fiscales entre les régions peuvent entraîner une concentration d’entreprises dans certains cantons, privant d’autres régions de précieuses ressources fiscales et d’opportunités économiques. Cela pourrait conduire à une répartition inégale des infrastructures, des services publics et des opportunités d’emploi, exacerbant les inégalités régionales. La nouvelle politique vise à minimiser ces risques en garantissant une approche plus uniforme de la fiscalité des entreprises à travers le pays.
Impact financier de la réforme
On estime que l’application de cet impôt complémentaire pourrait générer des recettes fiscales substantielles, se situant entre 1 et 2,5 milliards de francs suisses durant la première année de mise en œuvre. Cette manne financière serait ensuite répartie, avec environ 75 % des revenus alloués aux cantons et le reste, soit 25 %, versés à la Confédération. Cette distribution reflète l’importance des cantons dans le système fiscal suisse et leur rôle dans l’administration des recettes fiscales[11].
Rôle et bénéfices pour les cantons et la Confédération
Les cantons, en recevant la majorité des fonds, pourront utiliser ces ressources pour financer des services publics essentiels tels que l’éducation, la santé, et l’infrastructure[12]. La part revenant à la Confédération soutiendra les initiatives fédérales et pourrait aider à financer des projets nationaux importants ou à réduire le déficit national[13]. En outre, cette répartition des revenus renforce le système de péréquation fiscale qui vise à équilibrer les ressources financières à travers le pays et à promouvoir une certaine égalité économique entre les différentes régions[14].
Cette approche proactive de la Suisse dans l’adoption de normes fiscales internationales renforce sa position en tant que leader dans la régulation fiscale globale, tout en protégeant les intérêts des entreprises locales et des PME.
Importance des Taux d'Imposition Compétitifs
Les taux d’imposition attractifs de la Suisse jouent un rôle prépondérant dans sa capacité à attirer des investisseurs et des entreprises de calibre international cherchant à optimiser leur charge fiscale dans un cadre légal et stable. Ce régime fiscal permet non seulement de renforcer l’attractivité de la Suisse comme plaque tournante économique et financière, mais il soutient également l’innovation et le développement économique au sein du pays[15].
Impact sur l'Économie Suisse
Le cadre fiscal avantageux de la Suisse contribue significativement à son économie en facilitant l’accroissement des investissements directs étrangers. Ces investissements jouent un rôle crucial dans la création d’emplois, le développement des infrastructures et le renforcement de la compétitivité globale du pays[16].
La présence de sièges sociaux de grandes entreprises internationales dans une région apporte de nombreux avantages économiques qui peuvent transformer l’économie locale de manière significative. Ces avantages ne se limitent pas uniquement à l’accroissement de la demande pour des services locaux, mais s’étendent également à une diversification plus large de l’économie dans son ensemble[17].
Rôle dans la Stabilité Économique
La politique fiscale de la Suisse assure une source de revenus stable pour le gouvernement, permettant le financement de services publics essentiels sans imposer de charges fiscales excessives sur les entreprises. Cette stratégie équilibre judicieusement les besoins de l’État et ceux du secteur privé, contribuant à un climat d’affaires sain et dynamique qui est essentiel pour la prospérité à long terme[18].
Comparaison Internationale
Comparée à d’autres économies majeures, la Suisse offre des taux d’imposition nettement plus bas, ce qui la place en position favorable par rapport à des pays comme l’Allemagne, la France, et même les États-Unis, où les taux peuvent être considérablement plus élevés[19]. Cette différence substantielle est un facteur déterminant pour les décisions de localisation des entreprises multinationales, qui préfèrent souvent établir leurs opérations dans des pays offrant des conditions fiscales avantageuses.
Par exemple, en Allemagne, le taux d’imposition national pour les entreprises est de 15,8 %. Lorsqu’on y ajoute l’impôt régional de 14 %, le taux total atteint 29,8 %, ce qui en fait l’un des plus élevés de l’Union européenne[20].
Quant à la France, le taux global d’imposition des entreprises est en moyenne de 25.8%[21].
Cette brève comparaison nous permet de comprendre que le système fiscal suisse est un élément central de son succès économique et de sa réputation internationale. Il attire non seulement des investissements substantiels mais contribue également à la stabilité et à la croissance économique du pays, renforçant ainsi sa position comme un leader mondial dans le domaine de la fiscalité des entreprises.
Impact de l'autonomie cantonale sur les entreprises
Cette diversité des taux d’imposition cantonaux permet aux entreprises de choisir leur localisation en fonction des avantages fiscaux qui correspondent le mieux à leurs stratégies financières et opérationnelles. Cela peut influencer des décisions importantes telles que l’implantation de nouvelles filiales, l’expansion des opérations existantes, ou même le déménagement de sièges sociaux pour optimiser les charges fiscales.
Avantages pour l'économie locale
L’autonomie fiscale des cantons joue également un rôle crucial dans le soutien à l’économie locale. Chaque canton peut ajuster ses taux d’imposition pour attirer des industries spécifiques, stimuler l’investissement local et soutenir les PME. Cette capacité d’adaptation contribue à un développement économique plus équilibré et diversifié à travers la Suisse, permettant aux régions moins développées et aux cantons ruraux de devenir plus compétitifs et attractifs[22].
Conséquences pour la planification fiscale
Pour les entreprises internationales et locales, cette variabilité requiert une planification fiscale attentive et stratégique. Les différences de taux peuvent entraîner des économies substantielles en fonction du choix de l’emplacement. Cela exige des entreprises qu’elles restent bien informées sur les législations fiscales cantonales et qu’elles travaillent étroitement avec des conseillers fiscaux pour optimiser leurs obligations fiscales.
La structure fiscale suisse, caractérisée par son autonomie cantonale, offre une opportunité unique pour les entreprises de maximiser leur efficacité fiscale tout en soutenant le développement local. Elle reflète l’engagement de la Suisse envers la décentralisation et l’empowerment régional, ce qui renforce son attractivité en tant que destination d’affaires de premier plan sur la scène internationale. Cette approche permet une adaptation flexible aux changements économiques et aux besoins des entreprises, ce qui est crucial pour maintenir la compétitivité dans un environnement économique mondialisé.
Conclusion
En mettant en œuvre l’impôt minimum global de 15 %, la Suisse ne se contente pas de suivre une tendance mondiale mais renforce également sa propre structure fiscale en s’assurant que les recettes fiscales sont équitablement partagées tout en maintenant son attrait fiscal global. Cette approche équilibrée est essentielle pour que la Suisse continue à prospérer dans un environnement économique mondial de plus en plus réglementé.
Pour les multinationales, cette réforme représente un changement notable dans leur stratégie fiscale globale. Elles devront peut-être reconsidérer certaines de leurs opérations ou structures pour se conformer à cette nouvelle exigence. Cela pourrait impliquer une augmentation des coûts opérationnels ou une révision de leurs stratégies d’allocation des profits entre leurs différentes filiales internationales.
Toutefois, une brève comparaison avec les taux d’impositions sur les sociétés actuellement pratiqués dans les pays voisins de la Suisse confirme l’attractivité de la Confédération, quand bien même le taux d’imposition se voit relevé à 15%.
À long terme, cette réforme pourrait renforcer la position de la Suisse en tant que place financière stable et transparente. En adoptant une approche conforme aux recommandations internationales, la Suisse pourrait améliorer son image et attirer des investissements supplémentaires, tout en garantissant que les grandes entreprises contribuent de manière appropriée aux ressources publiques.
Cette réforme est donc un pas important vers une plus grande équité fiscale, nécessaire dans un contexte économique mondialisé où les grandes entreprises peuvent facilement déplacer leurs profits pour minimiser leurs obligations fiscales. Elle représente un équilibre entre la compétitivité économique et la responsabilité fiscale, essentiel pour maintenir le statut de la Suisse comme un centre économique et financier de premier plan et un leader mondial dans le domaine de la fiscalité des entreprises.
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[1] Admin.ch, Mise en œuvre en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE, (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.efd.admin.ch/efd/fr/home/impots/imposition-internationale/mise-oeuvre-imposition-minimal-ocde.html).
[2] RTS.ch, L’imposition des entreprises entrera en vigueur au1er janvier, publié le 27 décembre 2023 (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.rts.ch/info/economie/14575653-limposition-des-entreprises-entrera-en-vigueur-au-1er-janvier.html); Admin.ch, Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 1.
[3] RTS.ch, L’imposition des entreprises entrera en vigueur au1er janvier, publié le 27 décembre 2023 (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.rts.ch/info/economie/14575653-limposition-des-entreprises-entrera-en-vigueur-au-1er-janvier.html); Admin.ch, Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024).
[4] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 1.
[5] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 1.
[6] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 3.
[7] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 3.
[8] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 1 ; RTS.ch, L’imposition des entreprises entrera en vigueur au1er janvier, publié le 27 décembre 2023 (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.rts.ch/info/economie/14575653-limposition-des-entreprises-entrera-en-vigueur-au-1er-janvier.html).
[9] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 1
[10] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 4
[11] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 4
[12] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 5 ; Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, pp. 47 s.
[13] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 5 ; Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, pp. 47 s.
[14] Questions et réponses relatives à l’instauration en Suisse de l’imposition minimale prévue par l’OCDE et le G20, (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024), p. 5 ; Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, pp. 47 s.
[15] Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, p. 47.
[16] Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, p. 47.
[17] Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, p. 47.
[18] Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, p. 47.
[19] Switzerland Global entreprise, Imposition des entreprises (consulté pour la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.s-ge.com/fr/publication/fiches-dinformation/imposition-des-entreprises?ct).
[20] Verdes Juliette, L’impôt sur les sociétés dans les Etats membres de l’Union européenne, Article toutel’europe.eu (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/carte-impot-sur-les-societes-dans-les-etats-membres-de-l-union-europeenne/).
[21] Verdes Juliette, L’impôt sur les sociétés dans les Etats membres de l’Union européenne, Article toutel’europe.eu (consulté la dernière fois le 23 avril 2024 : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/carte-impot-sur-les-societes-dans-les-etats-membres-de-l-union-europeenne/).
[22] Département fédéral des finances DFF, Commentaire de l’ordonnance sur l’imposition minimale des grands groupes d’entreprises, du 22 décembre 2023, p. 47.